Quel avenir pour la jeunesse en Guinée?

Cette semaine, l’opposition guinéenne a organisé une marche  »pacifique » contre l’insécurité dont la population est régulièrement la victime.
Certains rétorquent qu’il aura néanmoins fallu attendre que son porte parole, Aboubacar Sylla, soit attaqué le 4 Avril dernier pour qu’elle se rappelle le besoin de sécurité de ses compatriotes.
Décryptage des derniers événements.
CONAKRY/ Par MAMADOU*
palais-sekoutourya
Le calendrier de l’organisation des élections communales et présidentielle e Guinée sont au coeur d’un sérieux différend entre le pouvoir et l’opposition qui ne regardent pas du tout dans la même direction.
Le premier pense qu’il vaut mieux commencer par la présidentielle et finir par les communales, sachant que les mandats des maires et élus locaux ont expiré depuis fort longtemps.
Le second réfute catégoriquement cette idée.  Selon lui, il faut respecter « l’ordre » des élections.
Exaspération et désir de changement
Lundi, au cours de la manifestation, des heurts ont éclaté entre les militants de l’opposition et les forces de l’ordre qui se sont soldés par plus d’une dizaine de blessés par balle et un mort.
Cellou Dalein Diallo, président de l’UFDG (union des forces démocratiques de Guinée), chef de fil de l’opposition, a déclaré: « Nous continuerons la lutte jusqu’à la satisfaction total de nos revendications ».

Faut-il voir dans ces manifestations non seulement l’exaspération d’un certain nombre de guinéens mais aussi leur désir de s’affranchir du diktat des autorités? Ces événements peuvent-ils faire boule de neige et insuffler un vent de changement dans ce petit pays d’un peu plus de 11 millions d’habitants. Bien difficile de leur dire pour le moment…

Depuis son indépendance en 1958, la Guinée (Guinée Conakry) ou République de Guinée a été dirigée par Ahmed Sékou Touré jusqu’en 1984, puis par le Général Lasana Conté jusqu’en 2009.

Moussa Dadis Camara s’est alors accaparé le pouvoir après un coup d’Etat.

A l’issue d’une tumultueuse transition qui a pris fin en 2010, la première élection  »démocratique » s’est tenue: le Président Alpha Condé est élu pour un mandat de 5 ans.

Complaisance des guinéens à l’égard de ses dirigeants

Il faut bien évidemment replacer ces derniers événements dans un contexte historique plus large et regarder de près les conséquences de la colonisation sur l’absence de culture démocratique qui perdure encore dans une grande partie de population africaine.

Mes grands-parents m’ont raconté qu’au village, lorsqu’ils apercevaient un homme en casquette, ils courraient se réfugier dans la brousse… L’autorité civile, militaire et paramilitaire provoque toujours de larges sentiments de peur.

Certes, les choses changent quelque peu.

En 2006-2007, la société civile (CNTG notamment, dirigée à l’époque par Hadja Rabiatou sera Diallo et son acolyte Ibrahima Fofana) ont insufflé un esprit de révolte à la population en appelant à une grève générale et illimitée dans tout le pays.

Une lueur d’espoir pour la jeunesse mais surtout l’occasion d’une véritable prise de conscience pour revendiquer ses droits en Guinée malgré l’hostilité des puissances publiques .
L’absence d’une véritable culture démocratique

Dès l’obtention de l’indépendance de la Guinée en 1958, le père fondateur de République (Ahmed Sékou Touré), a instauré un régime dictatorial qui empêchait toute forme de contestation.

Ceux qui s’y essayaient ont été emprisonnés, torturés, tués ou contraints de s’exiler tout simplement.

La peur ne pouvait alors que prendre le dessus au sein de la population guinéenne qui a encore bien du mal à se sortir de ce cauchemar.
Divisions ethniques

Les partis politiques en Guinée sont essentiellement fondés sur une base ethnique.

La plupart des électeurs ne vote pas pour un programme dans lequel ils se retrouveraient mais bien davantage pour un leader de la même ethnie.

Une forme « d’obligation » tacite pousse le Guinéen à voter ainsi car, s’il déroge à cette pratique, on le considère comme un traitre à son ethnie.

Et l’électeur guinéen se prive de fait du droit de critiquer son leader même si ce dernier ne fait rien pour améliorer les conditions de vie du peuple…

L’analphabétisme
Quant à l’éducation, il est à regretter que, depuis l’indépendance, elle ne se soit pas imposée comme une priorité nationale.

Il n’y a qu’à regarder le budget alloué à ce secteur, l’état des infrastructures, le niveau des élèves et étudiants mais aussi celui des enseignants.

Une très grande part de guinéens, ne connaissant même pas ses droits, ne conteste aucune décision venant de l’autorité.

Elle a même tendance à penser qu’il est absolument normal que les choses se passent ainsi… Et les dirigeants s’engouffrent dans cette brèche pour en abuser.

Corruption
En Guinée, quelques billets suffissent aux leaders politiques pour se mettre dans la poche bon nombre de jeunes!

Une jeunesse abandonnée et sans repères qui a du mal à joindre les deux bouts qui cède ) la tentation de se faire de l’argent facile… Se laissant allégrement  manipuler par l’ensemble de la classe politique du pays qui l’utilise à souhait à des fins électoralistes.

Cette jeunesse tarde encore à prendre conscience de sa situation qui devient de plus en plus précaire en acceptant des miettes de ce qu’elle devrait avoir: des emplois, une bonne formation, l’électricité, l’eau…
Hypocrisie des intellectuels

Quant à la société civile, elle est si politisée qu’elle consacre tout son temps à ses guerres intestines. Du côté des intellectuels, s’il y a bien un domaine dans lequel ils excellent, c’est la démagogie!

Ils sont d’ailleurs souvent choisis pour leur capacité à mobiliser et haranguer des foules… n’hésitant pas à fouler aux pieds la morale.
Tout n’est cependant pas perdu.

Il faut espérer que les mouvements comme ‘y’en a marre » ou encore « balai citoyen » fassent tache d’huile.

La jeunesse africaine doit revendiquer son dû. Son avenir se joue aujourd’hui !

* Mamadou est un pseudonyme choisi pour protéger l’auteur de cet article.

Mamadou tient à préciser qu’il n’est pas un journaliste mais un « simple » citoyen.

La Guinée en quelques chiffres:

Indépendance: 2 Octobre 1958

Superficie: 245 857 km²

Population: 11 474 383 (2014)

Pourcentage du budget: 2,5% du PIB (2012)

Taux de scolarisation: (école primaire) (2006) 51%

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