On ne compte plus les sinistres déclarations du Premier Ministre hongrois.
Depuis quatre ans, Viktor Orbán s’en donne à coeur joie, sur ses terres comme dans l’hémicycle du Parlement européen.
Ultime provocation, hier, à Strasbourg où il a tout bonnement justifié ses récentes déclarations sur une éventuelle réintroduction de la peine de mort en Hongrie et revendiqué le droit au débat. Qu’importe si l’abolition de la peine de mort fait partie des conditions sine qua non de l’appartenance à l’Union Européenne (UE).
STRASBOURG
CLAUDINE GIROD
Si l’on en croit les funestes augures du Premier Ministre hongrois,
la peine de mort «fera l’objet d’un long débat en Europe».
Ce n’est certes pas la première fois que Viktor Orbán se distingue ainsi devant les Europédutés.
Mais cette fois, le leader du Fidesz a dépassé les bornes.
« Il n’y a pas de valeur européenne qui ne puisse être débattue », a-t-il affirmé, arguant que « nous ne devons pas fuir la discussion».
Un argumentaire bien maigre pour remettre en question une valeur fondamentale de l’Union Européenne qu’est l’abolition de la peine de mort.
Et d’ajouter sans vergogne: « Nous, les Hongrois, aimons parler franchement. Soit nous le faisons, soit nous ne parlons pas du tout.»
Au nom de la présidence du Conseil de l’Union Européenne (UE), Zanda Kalnina-Lukaševica, secrétaire d’Etat lettonne aux affaires européennes, a rappelé que « l’abolition de la peine de mort est une condition non négociable à l’appartenance à l’UE ».
Manifestement, Monsieur Orbán n’en a cure.
Le président du Parti Populaire Européen (PPE) – dont le parti de Viktor Orbán est membre – a été contraint de mettre les points sur les i.
Manfred Weber de qualifier tout débat sur la réintroduction de la peine de mort de «dangereux» et «dommageable».
Le prochain congrès du PPE, qui se tiendra en Hongrie, promet d’être houleux…
Le vice-président de la Commission en charge des droits fondamentaux, Frans Timmermans, a lui aussi rappelé
que la réintroduction de la peine de mort serait contraire aux valeurs fondamentales de l’UE et mènerait à l’application de
l’article 7 du Traité sur l’Union européenne (TUE) et pourrait donc éventuellement priver la Hongrie de ses droits de vote au sein du Conseil.
Mais au-delà des questions juridiques, c’est largement sur le terrain de la morale et des valeurs qu’a porté le débat des Eurodéputés.
Viktor Orban n’a pas hésité à affirmer que « tout n’est pas inscrit dans le marbre, les traités européens sont des règles écrites par l’homme, pas par Dieu, et ces règles peuvent être modifiées».
Le Président du PE Martin Schulz de lui rétorquer: « Il n’y a certainement aucun commandement divin dans
les traités de l’Union, mais il y a un commandement divin qui dit « Tu ne tueras point! »
L’ancien premier ministre béral belge Louis Michel a enfoncé le clou:
« Vous criminalisez les migrants et les sans-abri, vous glorifiez un repli identitaire mortifère.
Vous faites l’apologie des régimes autoritaires.
Vous réduisez la liberté de la presse et l’indépendance de la magistrature.
Monsieur Orban, à petit feu, vous brûlez nos valeurs à des fins autoritaristes.
Vous bafouez sans retenue les principes les plus sacrés de l’Union européenne et de l’Etat de droit.
Vous entraînez un peuple magnifique à rebours du cours de l’Histoire».
Muselage de la presse, mainmise sur l’appareil judiciaire, discriminations envers les Roms, les juifs, les SDF…
Le Premier Ministre hongrois n’en est pas à son coup d’essai.
Hier, à Strasbourg il a réussi une nouvelle fois à imposer son agenda au Parlement européen.
Cette fois-ci, la ligne rouge semble bien néanmoins avoir été franchie.
« La Commission est prête à user de tous les moyens dont elle dispose pour que la Hongrie respecte ses obligations.
Nous n’hésiterons pas une seule seconde », le commissaire néerlandais. Frans Timmermans au nom de la Commission européenne.
Reste à savoir si la Commission qui tergiverse depuis 4 ans aura le courage d’aller aussi loin.
Ou si elle s’empêtrera dans une position munichoise.
Certes, l’on n’est en pas encore là.
Mais le Premier Ministre hongrois a cette fois-ci ouvert une brêche qui pourrait se transformer en trou béant dans une Europe déboussolée.