REPORTAGE à CONAKRY
par MAMADOU*
Ahmed est vendeur de médicaments de la rue dans la banlieue de Conakry après ses études universitaires, il a décidé d’enseigner n’ayant pas trouvé un autre job.
« Après les trois ans d’études supérieures j’ai opté pour l’enseignement, ce qui n’est pas mon choix de prédilection mais puisque je n’arrivais pas à trouver du travail il fallait bien que je fasse quelque chose. Malgré cela, mon salaire ne me permettait pas de m’en sortir, donc j’ai été obligé de créer un autre business pour arrondir les angles ».
« J’ai commencé à vendre des médicaments de la rue et cela m’a permis d’avoir de l’argent car c’est un marché très juteux, mais il y a quelques mois les autorités guinéennes ont décidé d’interdire toute vente de médicaments de la rue, décision qui n’a pas fait long fait puisque la vente a repris de plus belle. Les autorités guinéennes ont l’habitude de prendre ces genres de mesures pour un court instant », raconte-t-il.
Ce business constitue une énorme source de revenus pour beaucoup de Guinéens. Il permet même à certains de se construire des maisons… Dans ce commerce on peut y retrouver des diplômés mais surtout des analphabètes, qui lorsqu’ils ont une ordonnance d’un client sont obligés de recourir à un tiers pour sa lecture. Ils distillent les médicaments au hasard ce qui cause d’énormes dégâts sanitaires, s’indigne un pharmacien.
Céline, jeune mariée, diplômée en comptabilité, n’arrive même pas à décrocher un stage. « Un jour, je suis allée dans une agence qui recrute pour des entreprises, je suis rentrée et me suis dirigée vers la secrétaire pour l’expliquer que je venais déposer mes dossiers en vue de trouver un stage. Elle m’a automatiquement demandé si j’avais une lettre de recommandation sans quoi elle ne pouvait rien faire pour moi… ».
En Guinée, il suffit de se rendre dans les cafés ou encore parcourir les quartiers pour s’imprégner de cette triste réalité. La jeunesse est souvent abandonnée par les pouvoirs publics. Certains jeunes décident de se lancer dans l’entreprenariat : commerce, conduire de moto taxi, tous les moyens sont bons pour joindre les deux bouts.
« Un frère m’a donné une moto que je dois rembourser dans un bref délai. Chaque jour je lui verse une somme de 30000 FG (soit 3 euros), en guise de recette. J’essaie en même temps de mettre un peu d’argent de côté pour ma dépense quotidienne et autres besoins personnels. Je travaille de 8h à 22h tous les jours sans repos c’est épuisant mais il faut bien vivre », confie Bouba, diplômé en sociologie à l’université de Sonfonia.
La plupart de ces jeunes conducteurs de motos ou commerçants sont des diplômés sans emploi.
« Je fais ce travail depuis quelques années. Il m’a permis de me marier. J’ai un enfant, je m’occupe de mes parents qui sont au village, je ne gagne pas beaucoup d’argent mais je m’en sors plus ou moins bien. Je viens d’ouvrir une boutique pour ma femme alors ça va, Dieu merci », explique Serge avec un sourire.
Peu de jeunes travaillent ici, faute d’avoir l’indispensable coup de pouce pour décrocher, ne serait-ce qu’un stage or… Quant à entreprendre, sans fonds propres, cela relève tout bonnement du parcours du combattant. Les prêts bancaires sont très compliqués pour certains et trop risqués pour d’autres.
Près d’un an après sa réélection, Alpha condé n’arrive toujours pas à infléchir la courbe du chômage. Y arrivera-t-il pendant les quatre ans qui lui reste au pouvoir ? La jeunesse guinéenne sait qu’elle a intérêt à compter d’abord sur elle-même.
*Mamadou est un pseudonyme