Je lis en allemand, je cuisine en italien, je chante en anglais et… j’aime en français

 

Entre Strasbourg et le Sudtyrol – Réflexions sur une identité européenne

Traduction en version allemande disponible à la fin de l’article

« L’Europe est le seul endroit au monde où l’identité n’est pas un culte mais une question ».

Une belle journée de septembre, un voyage à Bruxelles. Cette citation devant mes yeux qui résonne immédiatement en moi. L’Europe, l’identité, une question. Pourquoi m’en rends-je compte maintenant ? En quittant nos lieux habituels, en sortant de notre environnement familier, nous sommes confrontés pour la première fois avec nos origines. Cela débute avec la question que les gens te posent. Tu viens d’où ? Et voilà, le jeu commence…

La question m’amuse. Je sais que ma réponse fera écarquiller bien des yeux. Je ne rentre pas dans les catégories classiques. Dans la plupart des cas, je réponds : « Je viens de l’Italie du Nord. Enfin, d’une petite région des Alpes où l’on parle allemand, ou plutôt un dialecte allemand. C’est à la frontière avec l’Autriche. On l’appelle le Sud-Tyrol. »

Parfois les gens comprennent. Mais la plupart du temps, leurs questions révèlent qu’ils n’ont rien compris. Cela reste un plaisir de leur répondre. Tu te sens plus italienne ou autrichienne ? Quelle langue parlez-vous en famille ? Et à l’école ? Qu’est-ce que cela veut dire « région autonome » ? Autant d’interrogations

Le Sud-Tyrol est un monde en soi, une réalité à elle-même, un microcosme singulier. On y mange les boulettes au Speck, et les spaghettis doivent se cuire al dente. Entonner les traditionnelles chansons tyroliennes ne nous empêche pas de devenir sentimental en écoutant les mélodies de Ramazotti. On parle dans milles dialectes allemands différents – si incompréhensibles soient-ils. Mais quand il s’agit de jurer, c’est en italien que l’on lance des insultes !

Les noms des villes et des rues sont bilingues. On boit du vrai café italien, avec un Apfelstrudel viennois. Notre carte d’identité italienne est traduite en allemand. On regarde la télé allemande, mais aussi autrichienne, suisse et italienne.

Peu de Sud-Tyroliens savent chanter un hymne national. On fait nos études à Innsbruck, Vienne, Munich, Berlin, Trente, Bologne, Padoue, Venise… Bref : Le Sud-Tyrol transcende les identités nationales. A chacun de trouver sa solution pour vivre cette identité. On s’adapte : On est italien si besoin. Ou autrichien. On est des caméléons. Et c’est un peu cela, je pense, qui fait de nous des Européens.

En France, la réalité du Sud-Tyrol est très peu connue. Dans l’Hexagone, on est d’abord Français ; j’ai appris cela pendant mon année d’Erasmus en France. Ensuite, on est Alsacien, Breton, Lorrain, Savoyard, Corse… Et Européen ?

L’identité régionale et l’identité européenne – pour moi cela a toujours été clair – l’une ne va pas sans l’autre. Je pensais (et je pense toujours) que le premier point de repère, d’identification des gens, est leur environnement proche, leur ville, leur vallée ou leur département. Bref : leur région. C’est leur « Heimat », comme on dit en allemand. Et à partir de cette identification régionale, j’imaginais que s’épanouirait une identité européenne. Loin des frontières nationales, qui ne paraissent être que des arbustes arbitrairement plantés par quelqu’un.

Après avoir vécu une longue période en France, surtout à Strasbourg, mon point de vue a évolué. Aujourd’hui, la question de l’identité européenne me paraît beaucoup plus compliquée. Pour beaucoup, l’Europe semble rester un concept abstrait, étranger à leur vie quotidienne, voire un monde réservé aux élites. Tant d’heures de débats dans les cafés et les rues strasbourgeoises, pendant des conférences, ou après un spectacle de théâtre ainsi que dans les amphithéâtres de l’Université ont influencé mon regard sur l’Europe.

Rentrée pendant les vacances au Sud-Tyrol pour quelques jours, c’est mon père qui me le fait remarquer : Il trouve que je suis vraiment pessimiste quant à l’avenir de l’Europe.

Son constat me touche. Une année Erasmus passée à Strasbourg, capitale européenne, ville de l’amitié franco-allemande, située au cœur de l’Europe, aurait-elle pu faire de moi, qui me disais toujours sudtyrolienne et européenne, une europessimiste ?

Peut-être un jour me demandera-t-on : Comment c’était, faire Erasmus pendant les années du Brexit, de la montée du populisme, , de l’europessimisme ? Je sais ce que je répondrai : Si sombre que puisse paraître l’image de l’Union Européenne, si désillusionnant soit le climat politique en Europe, pendant ces huit mois à Strasbourg, moi, j’ai vécu un enthousiasme européen plus fort que jamais.

 

C’est cette volonté de découvrir l’autre, l’esprit Erasmus. J’ai élargi mon monde, pas seulement vers la France, mais à travers mes amis aussi vers la Pologne, le Québec, l’Irlande, la Colombie, la Slovénie et d’autres coins du monde. Ils sont devenus une partie de moi. Donc, malgré toute la peur d’une Europe en déclin politique, je retournerai au Sud-Tyrol avec une identité enrichie, qu’elle soit italienne, autrichienne, un peu française (ou même polonaise ?).

Je pourrai dire : je lis en allemand, je cuisine en italien, je chante en anglais et j’aime en français. Quelle chance ! Fais-je partie d’une élite ? Peut-être. On est rarement conscient de la bulle dans laquelle on vit. Brisons-là et soyons ouverts à la vision des autres, même si elle nous dérange. La plus grande faute que l’on puisse commettre, est celle de généraliser sa propre réalité à celle des autres.

L’identité européenne reste une question. Une question aux visages multiples. Je continuerai de la poser. Mais j’ai en partie trouvé ma réponse : C’est un sentiment situé quelque part entre Strasbourg et le Sudtyrol.

[1] Julia Kristeva, philologue, psychanalyste et femme de lettres

Anna Wolf / Bloggers Without Borders / BwB Team 2k19

anna wolf

 

Tous les 9 mai depuis 1950, les Européens fêtent la Journée de l’Europe à la gloire de la paix et de l’unité sur le continent. Jean Monnet et Robert Schumann en sont à l’origine en appelant, cinq ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, à la mutualisation de la production de charbon et d’acier entre la France et l’Allemagne qui donnera naissance un an plus tard la CECA (Communauté Economique du Charbon et de l’Acier).

 


Zwischen Straßburg und Südtirol – Reflexionen über eine europäische Identität

Europa ist der einzige Ort auf der Welt, an dem die Identität kein Kult ist, sondern eine Frage.[1] Ein sonniger Septembertag, eine Reise nach Brüssel. Und da, dieser Satz vor meinen Augen. Sofort finde ich mich darin wieder. Europa, die Identität, eine Frage. Warum wird mir das gerade jetzt bewusst? Unser gewohntes Umfeld, unsere bekannten Pfade einmal verlassen, begegnen wir oft zum ersten Mal der Frage nach unserer Herkunft. Es ist die Frage, die die Leute dir stellen. Woher kommst du? Und schon beginnt das Spiel…

Die Frage amüsiert mich. Ich weiß, dass meine Antwort zumeist auf weit aufgerissene Augen stoßen wird. Ich passe nicht in die gewöhnlichen Kategorien. In den meisten Fällen, sage ich: „Ich komme aus Norditalien. Naja, eigentlich aus einer kleinen Region in den Alpen. Man spricht dort Deutsch, besser gesagt einen deutschen Dialekt. Es liegt an der Grenze zu Österreich. Wir nennen es Südtirol.“

Manchmal verstehen die Leute, manchmal erkenne ich an ihre Fragen, dass sie gar nichts verstanden haben. Es macht mir Spaß, auf ihre Fragen zu antworten. Fühlst du dich mehr als Italienerin oder als Österreicherin? Welche Sprache sprecht ihr in der Familie? Und in der Schule? Was heißt das „eine autonome Region“?

Südtirol ist eine Wirklichkeit für sich, ein eigenartiger Mikrokosmos. Wir essen dort Speckknödel, aber bestehen darauf, dass die Spaghetti unbedingt al dente sein müssen. Wir singen die fröhlichen Tiroler Bergsteigerlieder, werden zugleich aber sentimental, sobald Ramazottis Stimme im Radio erklingt. Wir kommunizieren in tausend verschiedenen deutschen Dialekten – so unverständlich sie auch erscheinen mögen – aber wir lieben es, auf Italienisch zu fluchen. Die Orts- und Straßennamen sind zweisprachig. Wir trinken echten italienischen Kaffee zum Wiener Apfelstrudel mit Schlag. Wir haben einen italienischen Personalausweis, auf Deutsch verfasst. Wir sehen Deutsches, Österreichisches, Italienisches und Schweizer Fernsehen. Wohl nur wenige Südtiroler würden eine Nationalhymne aus dem Stehgreif singen können. Wir studieren in Innsbruck, Wien, München, Berlin, Trient, Bologna, Padua, Venedig… Kurz: Südtirol sprengt die nationalen Identitäten. Jeder findet mit der Zeit seine Art, damit umzugehen. Manchmal passen wir uns einfach an. Wir sind Italiener, falls nötig. Oder Österreicher. Wir sind Chamäleons. Und das ist es, denke ich, was uns zu Europäern macht.

In Frankreich kennt man die Südtiroler Realität kaum. Hier ist man zuerst Franzose, so habe ich es während meines Erasmusjahres in Frankreich gelernt. Danach vielleicht ist man Elsässer, Bretone oder Flame. Und Europäer? Die regionale Identität und die europäische – für mich war das immer klar: Das eine geht aus dem anderen hervor. Ich dachte (und ich denke noch immer), dass der erste Bezugspunkt der Menschen ihre nächste Umwelt ist, ihre Stadt, ihr Tal oder ihr Land. Mit einem Wort: ihre Region. Oder blumiger, ihre Heimat, wie es im Deutschen so schön heißt. Ausgehend von dieser regionalen Identifikation würde sich schließlich die europäische Identität entwickeln, stellte ich mir vor. Hinweg über alle nationalen Grenzen, die doch nur Hecken sind, von jemandem beliebig in die Landschaft gepflanzt.

Meine Zeit in Frankreich, vor allem in Straßburg, ist nicht spurlos an mir vorübergegangen. Heute sehe ich die Frage der europäischen Identität deutlich komplexer. Für viele scheint Europa ein abstraktes Konzept zu bleiben, fern von ihren alltäglichen Sorgen, ja gar eine den Eliten vorbehaltene Welt. Unzählige Gespräche und Diskussionen in den Kaffees und Gassen von Straßburg, bei Vorträgen, nach dem Theater oder in den Hörsälen der Universität – sie haben meinen Blick auf Europa geprägt. In den Ferien, für einige Tage auf Besuch in Südtirol, ist es mein Vater, der mich darauf aufmerksam macht: Er bedauere, wie pessimistisch ich doch die Zukunft Europas sähe.

Seine Worte treffen mich. Ist es wahr, dass dieses Erasmusjahr in Straßburg, der europäischen Hauptstadt, Symbol der deutsch-französischen Freundschaft, im Herzen Europas gelegen, aus mir, die sich immer als Südtirolerin und Europäerin bezeichnete, eine Europapessimistin machen konnte? Vielleicht wird man mich eines Tages fragen: Wie war es, auf Erasmus zu sein, während der Jahre des Brexit, des aufsteigenden Populismus, des Europapessimismus? Ich weiß, was ich antworten werde: So dunkel das Bild der Europäischen Union auch erscheinen, so desillusionierend das politische Klima in Europa auch sein mochte, ich habe in diesen acht Monaten in Straßburg, eine derartige Begeisterung für Europa erlebt wie nie zuvor. Es sind die Neugierde für das Andere und die Entdeckungslust, die den Geist von Erasmus ausmachen. Ich habe meine Welt erweitert, nicht nur nach Frankreich, aber dank meiner Freunde auch nach Polen, Québec, Irland, Kolumbien, Slowenien und andere Ecken der Erde. Sie alle sind ein Teil von mir geworden. Trotz aller Angst um ein politisch zerbrechendes Europa, werde ich also nach Südtirol mit einer um so vieles bereicherten Identität zurückkehren, sei diese nun italienisch, österreichisch, ein wenig französisch (oder polnisch?).

Ich werde sagen können: Ich lese auf Deutsch, koche auf Italienisch, singe auf Englisch und liebe auf Französisch. Wie glücklich! Gehöre ich damit zu einer Elite? Vielleicht. Wir sind uns nur allzu selten der Blase bewusst, in der wir leben. Brechen wir aus ihr aus und seien wir offen gegenüber der Ansichten der anderen, auch wenn sie uns unbequem sein mögen. Der größte Fehler, der uns unterlaufen kann, ist jener, von unserer eigenen Wirklichkeit auf die der anderen zu schließen.

Die europäische Identität – sie  bleibt eine Frage. Eine Frage mit vielen Gesichtern. Ich werde nicht aufhören, sie zu stellen. Zu einem kleinen Teil jedoch habe ich meine Antwort gefunden: Es ist ein Gefühl, irgendwo zwischen Straßburg und Südtirol.

[1] Julia Kristeva, französische Literaturtheoretikerin, Psychoanalytikerin, Schriftstellerin und Philosophin

Anna Wolf / Bloggers Without Borders / BwB 2k19

1 Comment

  1. J’ai aussi ce sentiment que l’identité européenne n’est pas partagée par tous selon les coins d’Europe d’où nous sommes originaires. Dans ma famille maternelle par exemple, ils sont furieusement normands. Pour ma part, je lis en français, je parle l’allemand autrichien, je chante en italien … mais cela vient sans doute de mes origines donauschwaben. Robert Schuman disait des alsaciens-lorrains du Banat qu’ils étaient les premiers européens et il n’était sans doute pas loin de la vérité.

    J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s