24 ! Il aura fallu 24 actes des Gilets Jaunes pour que j’aille à la rencontre des manifestants.
Samedi 27 avril 2019.
Ils étaient une poignée de Gilets Jaunes, environ 1500, à se réunir devant le siège de Radio France à Paris. Au programme, 10 kilomètres de parcours, ponctués par des arrêts bien choisis devant les sièges de TF1, LCI, France Télévision, BFM TV ou encore le CSA. Autant de symboles pour protester contre le traitement que les médias mainstream réservent au mouvement des Gilets jaunes depuis cinq mois.
Ils avaient sorti le grand jeu: banderoles, slogans scandés et repris par la foule, discours. Beaucoup de discours. Une marche au pas lent mais une opportunité pour les Gilets jaunes de tenter, une nouvelle fois, de faire entendre leur voix et leurs revendications de justice fiscale et d’équité sociale.
A la carte, beaucoup de revendications. Il y en a pour tous les goûts: les journalistes, Macron, la taxe carbone, la déforestation et même l’augmentation du prix des kebabs ! Un cocktail de revendications bien « shaké » mais qui laisse un goût amer. Il faudra attendre d’être devant BFM pour entendre un discours construit exprimant plus clairement les revendications de ce mouvement incarnant une crise sociale et politique inédite dans l’histoire du pays.
Je sais ce que vous allez me rétorquer, cher lecteur: « c’est important que leur parole soit entendue ». Ces mêmes Gilets Jaunes ont pourtant refusé d’aller sur les plateaux télé. Et leur discours n’est pas particulièrement limpide ni exempt de contradictions.
Ne me demandez pas ce que j’ai retenu de cette journée, vous risqueriez d’être déçus…
C’était l’une de mes premières manifestations en temps « qu’observateur », et je me rends compte que j’ai perçu des impressions de cette foule cosmopolite et retenu des détails qui m’ont frappés.
Que pensez de ces gens du voyages venus protester à propos de leur qualité de vie et qui, cependant, portaient des baskets et des téléphones derniers cris. Le drapeau palestinien volait fièrement dans le ciel. Certes. Mais quel lien avec les Gilets jaunes ?
Une jeune femme se met alors à clamer haut et fort défiler pour dénoncer l’état du système scolaire dans le pays. Une enseignante, confrontée à des classes surchargées, qui voit ses conditions de travail se dégrader d’année en année… Pour elle, la solution est simple pour faire réagir le gouvernement. « Il faut prendre un flic, le kidnapper, lui voler ses menottes l’attacher et faire une grève de la pipe ! Là ils vont réagir ». No comment.
Une solution comme une autre, mais attention madame, pas de violence c’est les vacances !
Gilets Jaunes contre média, GJ contre Macron, GJ contre les forces de l’ordre… Les commerçants qui doivent fermer, les bars vidés, les supermarchés et les magasins de luxe barricadés… Oubliées les terrasses que les Français aiment tant.
Chaque manifestation du samedi impose une organisation énorme. Or, ceux qui travaillent, qui n’ont rien demandé, payent aussi les pots cassés… Marcel, tailleur depuis 50 ans, va devoir mettre la clé sous la porte, explique-t-il. « Plus de clients et même plus le droit d’ouvrir, c’est pas comme ça que je vais payer mes factures », lâche-t-elle.
Un gilet jaune passe, et lui dépose un bisou sur le front. Marcel sourit, avec un brin de nostalgie avant de dire : « De toutes manières, on ne peut rien y faire », dit-il, un sourire triste aux lèvres.
Dans le cortège exhalaient des odeurs d’alcool en tout genre et les vapeurs de la weed.
Du côté des forces de l’ordre (policiers, CRS, agents de sécurité), souriantes et organisées, un seul mot d’ordre : rien à déclarer. Tant et si bien que l’après-midi s’est déroulée dans le plus grand des calmes.
J’ai tout de même vécu un grand moment de questionnement : une femme, postée devant un policier, roulait tranquillement son joint de marijuana, un produit pourtant toujours illégal dans l’Hexagone. Le gardien de la paix, armé jusqu’aux dent, la regardait sans réagir. Je l’interroge et voici qu’il me répond : « Les ordres sont les ordres. On doit déjà gérer la sécurité et éviter les débordements. Dans ce genre de rassemblement si on commence à verbaliser tout ceux qui boivent et fument, on ne s’en sort pas ».
Ce billet ne vous aura probablement pas appris. Une leçon peut-être : pour fumer de la weed sans se faire coincer, il suffit d’aller manifester !
Camille André/ BWB-Press/ Bloggers Without Borders